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Un génie potentiel - Châpitre 1
Atablé en terrasse Julien écrivait son premier roman tout en fumant sa cigarette, un verre de coca à portée de la main. A cette saison, c'est souvent qu'il venait passer son temps de cette façon. Même s'il était convaincu de n'avoir aucun talent, c'était une nécessité vitale pour lui que d'écrire. Depuis des années il était tiraillé entre son envie de renoncer parce qu'à la relecture aucune de ses histoires, quand il parvenait à en achever une, ne tenait la route et celle de poursuivre coûte que coûte parce qu'il sentait qu'il avait la matière en lui pour faire des dizaines de romans. Sa vie dont il estimait être à peu près à la moitié était bien assez remplie déjà et justement, le fait d'écrire, que ce soit en parlant à la première personne du singulier ou en faisant endosser son rôle par d'autres personnages, était pour lui un exutoire. Peut-être aurait il pu alors se contenter d'écrire pour lui même? Il n'en voyait nullement l'intérêt. La fonction première de l'écriture étant de laisser une trâce, il jugeait hypocrites ceux qui prétendaient n'écrire que pour eux mêmes, certains affirmant même déchirer ou brûler leurs écrits sitôt achevés. Il trouvait que cela relevait du masochisme. Mais que faire quand la piètre qualité de nos écrits les rend inpubliables? C'était extrêmement frustrant pour lui mais ce dégout qu'il ressentait chaque fois qu'il tentait de se relire était vraiment tenace....et intense aussi.
Ce jour là, plongé dans ses pensées, rien n'aurait pu le perturber, pas même les conversations entremêlées de dizaines de personnes assises autour de lui dont certains pourtant vociféraient plus qu'ils ne parlaient. Il se disait justement qu'aussi loin que le ramenaient ses souvenirs, on lui avait toujours reproché d'être dans la lune.
Dès l'âge de trois ou quatre ans il était courant qu'il ne réagisse pas quand on lui adressait la parole, non pas qu'il soit sourd mais son esprit était simplement ailleurs. Qu'il s'agisse de ses parents ou de ses institutrices lorsqu'il était à l'école, tout le monde devait user de stratagèmes pour le faire revenir à la réalité. L'institutrice cessait par exemple de parler et toute la classe se tournait vers lui jusqu'à ce qu'il réalise qu'il se passait quelque chose d'anormal. Lorsque c'était enfin le cas, tout le monde se moquait de lui à l'instar de la maîtresse d'école qui pensait qu'en le mettant mal à l'aise, il ferait peut être plus attention la fois suivante. Il arrivait aussi qu'elle s'approche de lui discrètement et lui tire l'oreille, provoquant là encore les éclats de rires de ses camarades mais aussi qu'elle se mette à crier contre lui alors qu'elle était tout près ce qui le mettait dans un état de panique total.
Les parents de Julien montraient plutôt une certaine inquiétude face à ce qu'ils craignaient sinon être un retard intellectuel, du moins une grande lenteur à laquelle ils feraient tout pour aider leur fils à y remédier.
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