• Je lis actuellement un livre d'un de mes auteurs favoris, Christian Signol, dont le titre "Ils rêvaient des Dimanches" est sous titré "C'était nos familles". Lorsque je l'ai vu dans le rayon du magasin, j'étais fébrile avant même de commencer à lire le quatrième de couverture, convaincu que j'y trouverais probablement une histoire très proche de celle de ma famille maternelle. Je le recommande à tous ceux pour qui l'expression "Il faut comprendre d'ou l'on vient pour savoir où on va" a un sens. Car ce livre, à quelques variantes près est l'histoire des familles d'un très grand nombre d'entre nous.

    De nos arrières ou arrières-arrières grands-parents qui vivaient dans une misère absolue jusqu'à nous qui sommes nés dans les années 70-80 puis nos enfants nés à la toute fin du 20ème ou le tout début du 21ème siècle et qui ne manquent absolument de rien alors que nos parents nous considéraient déjà comme des enfants gâtés, un peu plus d'un siècle s'est écoulé. Si nous jouissons d'un tel confort aujourd'hui, c'est parce que eux, nos grands parents ou arrières grands parents ont fait le choix à un moment donné de se détourner de la terre que travaillaient leurs ancêtres depuis des siècles. Bien avant que naissent les conflits sociaux, eux se sont révoltés chacun dans leur coin, à leur façon sans doute en partie grâce à l'école qui a fait prendre conscience à beaucoup que grâce au savoir ils pourraient espérer vivre mieux que leurs parents qui pour la plupart ne savaient ni lire, ni écrire, ni compter. Mais s'ils ont pu le faire, c'est parce que leurs parents justement se sont sacrifiés au delà du raisonnable, se privant encore plus de tout ce dont ils manquaient déjà, pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur scolarité au dela du certificat d'études pour pouvoir plus tard être enseignants, postiers, militaires, policiers.......fonctionnaires pour la plupart et pour les autres, pas tous faits pour les longues études, ils avaient la possibilité d'apprendre d'autres métiers que ceux de la terre pour lesquels il fallait un savoir faire particulier(Boulangers, forgerons,....). Ceux là aussi devenaient des gens respectés et même admirés.

    Aussi je comprends mieux aujourd'hui la colère de mes grands parents maternels à mon égard lorsqu'à quatorze ans, j'ai décidé de suivre une formation qui me permettrait de devenir agriculteur car c'était mon rêve d'alors. Malgré tout, ils m'ont laissé faire puisque je ne voulais rien entendre et de toutes façons je n'avais pas assez bien travaillé en classe pour m'orienter vers des études longues. Malgré tout la défaite était amère pour eux mais je les remercie aujourd'hui de m'avoir laissé faire malgré tout, sans trop m'en tenir rigueur car ils m'ont ainsi permis de me rendre compte de la pénibilité du travail d'agriculteur, du nombre d'heures travaillées dehors hiver comme été, du lever à 5h du matin à seize ans pour aller traire les vaches à jeun car la traite se faisait avant le petit déjeuner. J'ai même dormi dans une chambre non chauffée en plein mois de février en Moselle, dans laquelle il faisait quatre degrès celsius. Ce n'était rien à côté de ce qu'avaient enduré mes grands parents et leurs parents mais j'ai eu un petit aperçu qui m'a permis peut-être de mieux avoir conscience du bonheur de travailler dans un bureau, d'être au chaud l'hiver et au frais l'été. 

    Malgré cela, je reste convaincu pour moi en tous cas, de n'être pas encore allé assez loin et d'être toujours dans une forme d'esclavage. La vraie dignité d'un homme c'est quand il est le seul maître de son destin, qu'il fait le métier qui correspond à son rêve d'enfant et le fait pour lui sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. Mais comme dit Benoît Dorémus dans "J'apprends le métier", "On n'est pas si nombreux à avoir la Gaulle". Les seuls aujourd'hui à être parvenus à ce niveau de plénitude sont à mon sens les écrivains, les artistes et tout ceux qui exercent un métier passion pour leur propre compte.


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