-
Chapitre 1: 19 août 1968
Il était aux alentours de seize heures trente. Le train Lyon-Strasbourg filait à pleine vitesse. Une jeune femme qui n'avait pas encore vingt-cinq ans somnolait, seule dans son compartiment, se laissant bercer par le cliquetis régulier des roues sur les rails. Elle avait le ventre bien rond d'une femme a un stade de grossesse très avancé.
Elle se sentait un peu triste car elle avait quitté ses parents ainsi que ses frères et soeurs le matin même, les laissant sur le quai de la gare de Toulon où elle venait da passer une semaine seule, sans son mari. Le voyage en train à deux aurait coûté trop cher. Elle savait qu'elle ne retournerait pas dans la ville de son enfance avant l'été prochain, au mieux. Quant à ses parents, ils viendraient la voir à Strasbourg d'ici quelques temps mais aucune date n' était fixée pour le moment.
Elle vivait en Alsace depuis trois ans, sans jamais avoir vraiment réussi à s' adapter à cette région, malgré la rencontre avec celui qui depuis était devenu son mari, qu'elle aimait profondément et l'omniprésence de la belle famille très attentionnée, parfois même étouffante. Les deux premières années, elle avait vécu dans un foyer de jeunes travailleurs des PTT entourée de jeunes filles qui comme elle venaient de la "France de l'intérieur", comme avaient coûtume de dire les autochtones. Puis, peu à peu, elles étaient toutes retourné vers leur région d'origine, lui donnant l'impression de se retrouver seule, livrée à elle même comme si elle était dans un pays étranger dont elle ne parlait pas la langue.
En 1968, à peine vingt-quatre ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, tous les Alsaciens parlaient.......l'Alsacien, qui était leur langue maternelle. Toutes les personnes agées de cinquante ans et plus étaient nées Allemandes de parents nés Allemands et de grands parents nés....Français. Si on entendait parfois un peu de Français en ville à cette époque, dans les campagnes, les enfants ne connaissaient pas un mot de la langue nationale avant leur entrée en maternelle, parfois même au cours préparatoire. L'éditon Allemande des Dernières Nouvelles d'Alsace, le quotidien régional, avait bien plus de lecteurs que l'édition en Français.
L'immense majorité d'entre eux pour ne pas dire la quasi totalité, était pourtant très fière d'avoir la nationalité Française et non Allemande mais ils avaient été si ballotés entre les deux pays qu'ils s'étaient forgé plus que les gens d'ailleurs, une identité qui leur était propre. Ils étaient Français, c'était indéniable mais se sentaient avant tout Alsaciens.
Pas facile alors de se faire une place et d'exister quand on est seul venu d'ailleurs, dans une région au passé aussi chargé d'histoire avec de telles spécificités. Surtout si on considère qu'on est dans son bon droit en ne parlant que le Français et que c'est aux autres de faire un effort pour parler la même langue que vous même s'ils ne la maitrisent pas correctement. Son mari lui avait proposé de lui apprendre l'Alsacien mais elle s'y était opposée catégoriquement.
Malgré tout, dans ses pensées endormies, elle ressentait un certain réconfort à l'idée de retrouver ce soir celui qu'elle aimait, même s'ils s'étaient quittés un peu fâchés une semaine plus tôt. Quelques jours avant le départ, au moment de lui annoncer qu'elle partait pour une semaine dans sa famille, une dispute avait éclaté. Il faut dire qu'elle l'avait mis devant le fait accompli. Elle ne lui avait pas laissé le choix. Mais lui ne l'avait pas entendu de cette oreille. Faire un si long voyage dans cet état n'était pas prudent. Et surtout, il n'aimait pas qu'elle prenne des décisions sans lui demander son avis. Il était le seul dans le couple habilité à en prendre car c'était lui l'homme de la maison. Il y'avait déjà eu quelques signes avant coureurs de cette autorité un peu tyranique mais ce jour là, il avait bu plus que de coutûme et s'était laissé aller à un geste incontrôlé, une gifle magistrale. Elle en avait perdu l'équilibre et sa tempe s' était fracassée contre la porte d'un placard avant qu'elle ne s'affaisse, se laissant glisser le long de la porte, totalement sonnée.
Lui, était sorti de la pièce en maugréant en Alsacien. Il avait enfilé ses chaussures et quitté l'appartement en claquant la porte avec une violence inouïe, la laissant là, gisant par terre. Elle avait repris ses esprits peu à peu et la scène qui venait de se dérouler s' était mise à tourner en boucle dans sa tête. Après de longues minutes, réalisant enfin que le même homme qui prétendait l'aimer de toutes ses forces était aussi capable d'une telle violence, elle avait éclaté en sanglots, comprennant d'un seul coup que l'être pour lequel elle supportait l'épreuve de vivre dans une région qui lui était si hostile pouvait lui aussi être son ennemi. Désormais elle serait totalement seule ici, ne pourrait compter sur personne à part elle même. Puis, l'enfant dans son ventre avait bougé, lui rappelant qu'elle n'était pas si seule. Cette perspective lui avait redonné un peu d'espoir. Ce petit être à venir serait désormais son idée fixe. Il était celui par lequel passerait son salut. Il serait l'objet de toutes ces attentions et s'il fallait qu'elle ait une seule source de bonheur, ce serait cet enfant. Elle lui donnerait toute la tendresse et l'affection dont elle ressentait si cruellement le besoin à cet instant même, l'éduquerait pour qu'il soit à son image, ferait tout pour qu'il devienne quelqu'un dont elle puisse être fière plus tard. Et elle se jura aussi que jamais il ne parlerait Alsacien.
Son mari était rentré quelques heures plus tard, s'était confondu en excuses, lui avait dit qu'il l'aimait en lui expliquant que s'il s'était tant énervé c'était parce qu'il s'inquiétait pour elle et l'enfant qu'elle portait. Il ne s'en était pas vraiment soucié pourtant d'elle et de leur enfant, en l'envoyant valser contre un placard. C'est ce qu'elle lui avait répondu. Et lui avait répliqué que maintenant il était conscient qu'elle avait raison mais sur le moment il n'avait pas su maîtriser sa colère. Il lui avait demandé pardon pour ça, promettant que jamais il ne recommencerait. Et bien sûr, comme elle l'aimait, elle l'avait cru et l'avait pardonné. Mais au moment de son départ pour Toulon, sa rancune envers lui était toujours un peu présente, pas aussi tenace que son amour pour lui bien sur mais elle avait comme une impression que quelque chose entre eux ne serait plus jamais comme avant.
Le train poursuivait son voyage quand soudain, elle fut tirée de sa somnolence par une terrible secousse vers l'avant et projettée contre la paroi du compartiment face à elle en même temps qu'elle entendit le crissement assourdissant et angoissant des roues du train bloquées, continuant à glisser sur les rails. Des cris de peur montèrent des autres compartiment en même temps qu'une odeur de ferraille chauffée à blanc, conséquence du frottement des métaux. La jeune femme se retrouva dans une position bien inconfortable, plus ou moins accroupie sur la banquette en face de la sienne, incapable de faire le moindre mouvement à cause de l'inertie liée à la violence du freinage. Il lui sembla que ce moment durait une éternité. Elle se demandait quand le train s'arrêterait et ce qui se passerait lorsque ce serait le cas. Y'aurait t'il un choc avec un autre train arrivant en face? Etait-ce une voiture ou un camion immobilisé au milieu de la voie? Le train allait t'il dérailler? Redoutant le pire, elle était morte de terreur, craignant à chaque instant pour sa vie et celle de l'enfant qu'elle portait. Après plusieurs dizaines de secondes, peut être plusieurs minutes, le train arriva pourtant en fin de course, sans que le drâme pressenti ne se produise. Il n'y eut pas de collision frontale. Le train ne se mit pas non plus en accordéon ni ne se coucha sur le côté. Il s'arrêta tout simplement. Pas en douceur non plus. La violence du freinage fût suffisamment intense pour que l'arrêt complet projette à nouveau la jeune femme mais cette fois en arrière. Elle se retrouva affalée par terre entre les deux banquettes. Elle avait un peu mal à la hanche qui avait tapé violemment le rebord du siège mais elle réussit à se relever sans problème et faire quelques pas pour ouvrir la porte du compartiment et aller voir ce qui se passait dans le couloir mais personne ne savait ce qui s' était produit. Ce n'est que bien plus tard, après que le train soit reparti qu'une rumeur avait circulé d'un bout à l'autre du train. Quelqu'un s' était jetté dessous.
-
Commentaires
2angelwordsMercredi 10 Novembre 2010 à 11:443AlgwenMercredi 10 Novembre 2010 à 12:57Mdr! Commencerais-je à avoir des fans? Va falloir que je commence mon travail de recherche d'un éditeur alors ;)5croc6240Mercredi 10 Novembre 2010 à 15:43Bonjour!
Et bien, ton histoire m'as tenu en haleine du début à la fin!
tiens, la fin, parlons-en ! Je ne m'attendais pas du tout à ça ! Bravo !
Amitiés
Bises
Claudine6AlgwenMercredi 10 Novembre 2010 à 22:57Si tu continues sur ta lancée, il va falloir y penser! L'autobiographie, y'a que ça de vrai!Encore faut-il que ma vie intéresse les gens. Plein de gens ont vécu des choses plus terribles les unes que les autres alors pourquoi la mienne intéresserait plus?8AlgwenJeudi 11 Novembre 2010 à 11:28Bonjour! Chouette ton nouveau design.Bonjour! Et merci.....et la chanson non alors? :-(10angelwordsJeudi 11 Novembre 2010 à 13:54Bonjour,
De retour avec un nouveau Texte.
Merci pour le vote.
+5
Bonne journée.
http://angelwords.boosterblog.com/11sunmaniaDimanche 14 Novembre 2010 à 16:34Un petit coucou pour vous souhaiter un bon dimanche!!
+5 sur boosterblog!!
Entrée dans l'univers de Sunmania , dépaysement assuré -> http://sunmaniaofficiel.boosterblog.com12CastelmobDimanche 14 Novembre 2010 à 19:5413angelwordsDimanche 14 Novembre 2010 à 21:3914lizaLundi 15 Novembre 2010 à 08:49Un petit coucou en passant, ton texte est très bien écrit il mets en haleine. Bises à bientôt15Nath12Mardi 16 Novembre 2010 à 19:30Merci d'avoir ajouter mon blog http://la-folie-des-creations.blogspot.com/ dans tes favoris sur Booster :)16http://lapinbleu2.boMardi 16 Novembre 2010 à 20:2317lapinbleu2Mardi 16 Novembre 2010 à 20:2518l'atelier d'anaéJeudi 18 Novembre 2010 à 09:03très bien écris +519http://lapinbleu2.boJeudi 18 Novembre 2010 à 13:3320FrancoisetfierJeudi 18 Novembre 2010 à 16:4822gaelle83840Vendredi 19 Novembre 2010 à 09:2723francois et fier deVendredi 19 Novembre 2010 à 11:41Merci, je vais voir.De rien ;)26nadSamedi 20 Novembre 2010 à 11:2127bloguetteMardi 23 Novembre 2010 à 10:0428gaelle83840Mercredi 24 Novembre 2010 à 11:05CC
mon ptit passage car il neige a nouvo et risk encore de perdre la connection
mon +5 QUOTIDIEN meme si je ne poste pas directe sur ton blog mé le soutient est tjrs la
GBZ
Gaelle
http://gaelle83840creabijoux.boosterblog.com29dede1947Lundi 29 Novembre 2010 à 12:25Un petit coucou de Picardie
Quand j'ai quitté mon Alsace ,il y a 43 ans on me disait que j'allais travailler pour la France de l'intérieur.Celà n'a pas été simple au départ.
Amicalement Dédé30AlgwenJeudi 2 Décembre 2010 à 00:40Tu songes à nous mettre la suite ou...? La bise.31ciscooJeudi 2 Décembre 2010 à 18:10trés belle histoire !! bonne soirée +532PolistarsJeudi 2 Décembre 2010 à 21:57Merci!
Ajouter un commentaire
+5 d'encouragement pour toutes ces pages écrites
Bonne journée
http://angelwords.boosterblog.com/